Anne Pouget à la Foire du Livre de Bruxelles, 7 avril 2024. © Le Suricate

Entretien avec Anne Pouget, autrice de romans historiques jeunesse

J’ai eu la chance de rencontrer Anne Pouget lors de la Foire du Livre de Bruxelles et de discuter avec elle de son roman Laïka, chienne cosmonaute, paru chez Casterman en février 2024. Vous pouvez lire l’article sur le site du Suricate. J’ai également profité de l’occasion pour lui poser quelques questions plus générales sur son approche de la fiction historique. Voici quelques extraits choisis :

Qu’est-ce qui vous a amenée à écrire des romans historiques pour la jeunesse ?

Je suis historienne de formation, spécialiste du Moyen Âge. Lorsque j’écris pour les adultes, je fais exclusivement du documentaire historique. Je publie par exemple des articles dans des revues comme Historia. C’est uniquement dans l’univers jeunesse que je me permets de recourir à la fiction, car cela me permet de mieux transmettre l’histoire aux enfants. J’ai commencé par raconter des anecdotes historiques lorsque j’organisais des visites de musées pour des migrants apprenant le français. Ces petites histoires, toujours véridiques, sont souvent drôles ou insolites et ont le mérite d’être mémorables et accessibles. À partir de là, j’ai commencé à inventer des histoires pour la jeunesse en me mettant dans la peau des personnages.

Pour moi, l’objectif premier est de transmettre une page d’Histoire aux enfants. Par ailleurs, le fil conducteur, dans la plupart de mes romans, est le thème de la tolérance. Avec Les Brumes de Montfaucon, je voulais parler de la condition des Juifs en France au Moyen Âge. Avec La porteuse de mots, j’ai voulu parler de la naissance de l’imprimerie au-delà de Gutenberg. Peu de gens savent qu’Aldo Manuzio a joué un rôle au moins aussi important que Gutenberg. Il a fait venir tous les grands scientifiques et humanistes de son époque, dont Érasme, autour d’une table. Ensemble, ils ont repris des livres anciens, les ont relus de manière critique et actualisés, avant de les faire imprimer. C’est cette expérience qui fait d’Aldo Manuzio en quelque sorte l’inventeur du livre de poche !

Dans vos romans, quelles libertés prenez-vous avec la réalité historique ?

En tant qu’historienne, j’essaie de coller au plus près des faits et de raconter des histoires réelles. Je m’inspire des sources pour inventer une histoire autour de celles-ci. Pour tenir compte des contraintes de la littérature jeunesse, je dois souvent créer un héros qui est un personnage fictif – un enfant auquel mon lecteur peut s’identifier. Il faut aussi parfois contourner certains tabous et négocier avec l’éditeur sur la façon d’aborder certains sujets sensibles, comme la mort. Mais j’essaie toujours autant que possible de rester fidèle aux faits.

Aujourd’hui, il est fréquent que la postface d’un roman historique évoque le lien entre les faits réels et les aspects fictifs, donnant au lecteur des explications sur les choix réalisés par l’auteur en termes d’équilibre entre Histoire et fiction. Cela n’a pas toujours été le cas, et je précise que j’ai inventé cette pratique il y a une trentaine d’années.

Quelles évolutions récentes avez-vous pu observer dans votre segment – les romans historiques jeunesse ?

Ces cinq dernières années, avec l’apparition du mouvement woke, j’ai constaté que les éditeurs ne voulaient plus publier que des romans jeunesse sur des thèmes comme le féminisme, le racisme, le handicap, l’homosexualité… Cela a été un peu une traversée du désert pour moi, mais il y a maintenant une sorte de lassitude, et on revient à des auteurs et à des sujets plus « classiques ». Une autre évolution importante est la popularité grandissante du manga chez les jeunes. La France est le deuxième pays au monde pour la lecture de mangas après le Japon !

Quels sont les romans historiques qui vous ont marquée ou inspirée ?

Quand j’étais jeune, j’aimais beaucoup les romans de Robert Merle et de Jeanne Bourin. J’avais d’ailleurs tendance à prendre pour argent comptant tous les faits historiques évoqués dans ces romans. À l’époque, sans internet, il n’était pas si facile d’accéder aux sources pour vérifier l’exactitude des faits. Quand un professeur de la Sorbonne m’a demandé pourquoi j’avais choisi d’étudier l’Histoire et que je lui ai parlé de ma passion pour Jeanne Bourin, il a bien ri et m’a conseillé de ne pas la citer comme source dans mes travaux !

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